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    Les moines de l'abbaye de St Mathieu


     

    Trois  jeunes moines navigateurs de l’abbaye de Saint-Mathieu, partirent au neuvième siècle pour évangéliser les terres qu’ils découvriraient. Leur histoire fut consignée par le chroniqueur Godefroy de Viterbe.

    Au neuvième siècle, période de Charlemagne, à l’extrémité de la Bretagne, sur une pointe rocheuse balayée par le vent et assaillie par les vagues, s’élevait une abbaye vouée à Saint Mathieu ; « la tête de l’apôtre avait été apportée en ce lieu, au VIe siècle, par des marchands du Moyen-Orient ». Des moines vivaient là, partageant leur temps entre la culture d’une terre aride, l’enseignement des saintes croyances et l’exploration de l’océan. Certains s’en allaient, en effet, pendant des mois vers le couchant à bord d’embarcations de type curragh.

    Trois jeunes moines s’embarquèrent sur des navires gréés de grandes voiles qui les portèrent d’un trait à l’horizon. Ils errèrent pendant de longs mois, luttant contre les tempêtes, se nourrissant de leur pêche, buvant l’eau du ciel.

    Un soir enfin, ils arrivèrent en vue d’une île étrange où se dressait une montagne constituée de blocs d’or. Eblouis, ils débarquèrent et parvinrent devant une ville entourée d’une enceinte colossale hermétiquement close. Et cette enceinte était également en or. Alors, ils s’assirent avec l’espoir de voir surgir quelqu’un qui pût leur dire où ils étaient. Mais la nuit passa et rien ne bougea que la lune dont ils suivirent la course dans un ciel rempli d’étoiles qu’ils ne connaissaient pas.

    Aux premières lueurs du jour, des portes s’ouvrirent d’elles-mêmes dans la muraille et les moines virent une cité entièrement en or qui étincelait sous le soleil. Ils entrèrent. Un étrange silence planait sur les rues désertes. Foulant des pavés d’or, ils longèrent des centaines de maisons, vides mais aussi brillantes que le saint calice de leur abbaye, des fontaines ornées de pierreries et des palais dont les façades étaient piquetées de gemmes. Puis ils parvinrent à une église ressemblant à une châsse ciselée par le plus habile des orfèvres. Ils y pénétrèrent ; il y flottait un parfum de rose…

    Etonnés de ne rencontrer aucun prêtre dans ce sanctuaire qui n’avait pas l’apparence d’un édifice abandonné, les moines entreprirent une exploration méthodique des lieux. Et voilà qu’ouvrant une porte au hasard, ils découvrirent dans les « logettes » deux vieillards aux barbes majestueuses, assis sur des trônes. Ces étranges personnages étaient immobiles comme des statues. Ils s’animèrent soudain et se levèrent pour saluer respectueusement leurs visiteurs.

    - Qui êtes-vous ? Dirent-ils. Et que voulez-vous ?

    Les autres répondirent qu’ils étaient moines, qu’ils venaient d’au-delà des mers et qu’ils ne voulaient, en ce bas monde, qu’adorer Dieu et faire sa Sainte Volonté.

    - Et vous ? Ajoutèrent-ils.

    Les vieillards parlèrent alors longuement dans une langue fleurie. De leurs discours un peu obscur, les moines crurent démêler qu’ils avaient affaire à Elie et à Enoch, que la ville où ils se trouvaient était gardée par des séraphins et qu’un aliment céleste nourrissait ceux qui avaient le bonheur d’y séjourner.

    De tels propos pour extraordinaires qu’ils fussent, ne parurent point extravagants aux braves moines qu’une lecture quotidienne des Saintes Ecritures avait habitués au merveilleux. Ce qu’ils allaient apprendre par la suite devait, en revanche les plonger dans un grand étonnement. Les deux vieillards, en effet, changeant brusquement de sujet, assurèrent que le temps ne se déroulait pas, sur leur île, au même rythme qu’ailleurs, et qu’un jour, chez eux, équivalait à cent ans dans les autres régions de la terre.

    - Tandis qu’ici, dirent-ils dans leur style particulier, trois fois l’astre du jour a donné sa clarté, de trois fois cent ans ont vieilli les êtres animés de vos contrées. De ceux-là qu’après votre départ, leurs mères ont engendrés, pas un seul, demain, ne sera vivant. La terre, de tout côté, a fait place à de nouveaux peuples et à de nouveaux rois. Et vous-mêmes serez vieux en arrivant là-bas… Puis ils demandèrent aux deux moines-prêtres du groupe de dire une messe. Quand l’office fut terminé, le vieillard qui prétendait être le prophète Elie prit la parole :

    - Le temps vous fait signe. Il vous faudra bientôt repartir. Si vous désirez, emportez des provisions d’or et de pierres précieuses. La brise marine vous portera jusqu’en vos demeures en cinq jours. Je vous vois jeunes au départ ; je vous aperçois vieux à l’arrivée…

    Alors, les moines dirent adieu aux vieillards et retournèrent vers la crique où ils avaient laissé leurs bateaux. Là, ils embarquèrent des paniers de fruits et des outres d’eau douce, réparèrent les voiles et les mâts qui avaient eu à souffrir des tempêtes au cours de leur long voyage. Lorsque tout fut terminé, ils quittèrent cette île fabuleuse où ils avaient passé trois jours. C’est alors que les paroles des vieillards se réalisèrent. Une brise s’éleva soudain qui gonfla les voiles et poussa les bateaux à une telle vitesse qu’en cinq jours exactement ils arrivèrent à la pointe Saint-Mathieu. Aussitôt, les moines montèrent vers l’abbaye, pressés de conter leur extraordinaire aventure...

    Mais ayant fait quelques pas, ils demeurèrent pétrifiés : les remparts n’étaient plus ceux qu’ils avaient connus, la ville était transformée, l’église ne ressemblait en rien à celle qu’ils avaient édifiée. Quant à l’abbaye, elle comprenait des bâtiments qui n’existaient pas à leur départ. Pris de crainte, ils pénétrèrent dans le cloître. Là, ils ne reconnurent personne : ni le père abbé, ni le prieur, ni le frère portier. Ils s’aperçurent avec terreur que tout, dans le pays, avait changé : l’évêque, le roi, les seigneurs, le peuple. Ils demandèrent des nouvelles de ceux qu’ils avaient connus. Personne ne s’en souvenait plus. Leurs noms même étaient oubliés. Les moines conclurent que leurs amis étaient morts et ils « en eurent grand deuil ».

    Et comme ils pleuraient en se rapprochant les uns des autres, ils découvrirent soudain avec effroi que leur peau était ridée, leurs cheveux blancs, leur corps décrépit, leurs mains diaphanes. Eux qui avaient encore tout à l’heure, au moment d’aborder la pointe Saint-Mathieu, l’aspect d’hommes jeunes et vigoureux, étaient devenus subitement des vieillards tremblants aux yeux éteints et aux bouches édentées. Le père abbé, les prenant en pitié à cause de leur grand âge, leur demanda d’où ils venaient et qui ils étaient.

    - Nous sommes partis d’ici, il y a trois ans, dirent-ils. Cette abbaye était la nôtre. Nous avons voyagé sur la mer, séjourné trois jours sur une île et nous revenons avec des fruits et de l’or. Mais nous ne reconnaissons plus rien ni personne.

    Le père abbé, fort intrigué, s’enquit de leurs noms, de celui de leurs bateaux et de la date de leur départ. Puis il alla consulter les archives de l’abbaye. Quant il revint, il avait l’air effaré :

    - D’après ce que je viens de lire, dit-il, vous n’êtes pas partis il y a trois ans. Les textes qui relatent votre départ et où se trouvent notés vos noms et ceux de vos bateaux sont beaucoup plus anciens. Ils ont trois cents ans… Comme les moines n’avaient pas l’air de saisir le sens de ses paroles, il ajouta :

    - Comprenez-vous ? Vous êtes partis il y a trois siècles !

    Alors, les voyageurs sentant qu’ils allaient bientôt mourir, racontèrent en détails leur aventure, décrivirent l’île à la montagne d’or, la ville étincelante, les deux vieillards qui prétendaient être Elie et Enoch, sans omettre les étranges propos que ces mystérieux personnages avaient tenus sur les temps différents. Quand ils eurent terminé, ils tombèrent morts et leur récit fut consigné dans les archives de l’abbaye.

    C’est ainsi qu’un jour le chroniqueur Godefroy de Viterbe put avoir connaissance de l’histoire fabuleuse de ces moines, partis de chez eux au IXe siècle, et qui ne revinrent qu’au XIIe…

     

     

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